C'était avant la loi antitabac du 31 mai 2006. Ils avaient divisé la salle en deux à l'aide de panneaux de plexiglas. C'était propre propre propre, mais y'avait pas un chat. La section non-fumeur ne faisait pas fureur. De l'autre côté parzemp', c'était une autre affaire.
Cette soirée-là, on se préparait pour une cagnotte de cinq milles dollars. Hot dog steamés, patates frites, onion rings, coke diète : c'était déjà le temps de l'interruption, et on faisait la file à la cantine pour dévorer son anxiété.
Margot sortit son sac de klendaks et elle se versa du Kiri à la fraise dans un verre en polystyrène. Son argent, elle préférait l'investir dans ses cartes de bingo. Elle s'était installée à l'écart, une heure avant le début du jeu, et elle occupait une table entière à elle seule. Ce soir, c'était the big soir. On avait refusé des gens à l'entrée. C'est pas creyab', fit une voix, gare-là, elle, a prend une tab' à elle tu seule.
Margot prit une cigarette dans son plat Tupperware et se nettoya le dentier. Ça colle aux dents, des klendaks. Les bruits de succion poisseux et de cliquetis écoeurèrent les voisins. Le jeu reprit et déjà, la cantine mobile se promenait dans les allées. Du mauvais café, des chips au ketchup, des barres de chocolat. Garde le change, ma grande. L'animateur, juché sur son piédestal, envoya une quinte de toux dans le micro. Le B10 sema la confusion. Les yeux se braquèrent simultanément sur les quatre tableaux électroniques. Il parle donc ben mal, on comprend rien. Margot, elle, est habituée : ses deux séries de vingt cartes sont déjà marquées d'un mauve foncé.
Des voix s'élevaient dans la foule à chaque boule nommée, comme un concert de syndrome de la Tourette. À la fin de chaque jeu, on appréhendait l'exclamation maudite. Plusieurs malmenaient leurs cuticules. Les cendriers étaient remplis de peaux mortes et de mégots.
Ce soir-là, c'est Margot qui cria «Bingo». D'un souffle court, d'une voix rauque. Elle quitta la salle sous les regards foudroyants de ses voisines de table, traversa le stationnement jusqu'à l'arrêt d'autobus et prépara son ticket. La 131 s'approchait.
«Puis, Madame Gagnon?» demanda le chauffeur.
- J'ai de quoi enterrer mon mari comme du monde.
15 commentaires:
La tite dame pense déjà à l'enterrer. Diantre que la vie est trépidante. Nice shot Miss.
C'est pas creyab.
C'est bon.
Ça stun speech original en crisse.
Mais c'est vrai, kess tu veux.
C'est bon.
Une tournée de klendaks? C'est sur mon bras :D
Jviens dme brosser les dents.
Pour déjeuner peut être?
Deux minutes au micro-ondes, on étendra ça sur du pain de ménage. Sounds great. C't'un deal, Guillaume.
J'ai déjà joué pendant quelques mois au bingo. Quelle faune s'y tient, c'est incroyable! J'y suis allé d'abord pcq on m'avait invité à plusieurs reprises.
On apprend vite une routine, les bâtons de couleurs, le bâton de colle et les foutues cartes. Ensuite, le café, les cigarettes et le cendrier. Puis les zones de la salle où se tiennent géographiquent les cliques, etc. Tout un monde, en effet.
Ce jeu est débile, pourtant il m'a fallu faire un effort sur moi-même pour arrêter.
Je me souviens de mon premier bingo. J'avais réussi une ligne et j'ai demandé tranquillement à ma voisine quand je devais "caller".
MAUDIT NIAISEUX, qu'elle m'a dit, avant de gueuler "BINGOOOOO!" du bout de ses deux cordes vocales...
Ha! Très cocasse :) Merci Shuk.
Ça c'est d'l'histoire comme je les aime!
Ah! Ça fait du bien en tabarnak de lire autre chose qu'l'hostie d'politique sale.
Enfin, de la vie, du vivant, du vrai!
S'il n'y a pas quelqu'un pour publier ça sur du papier, c'est qu'le papier ne sert plus qu'à emballer du poisson mort.
Très beau récit. Émouvant.
Un B-52.
Hé, merci Gaétan. Tu me fais plaisir, là.
je suis d'accord avec Gaétan ...
hello Sandra , belle écriture ...
et émouvant , oui , même si je répéte ce qui est déjà dit ...
je t'embrasse
helena
Helena! :) Londres, c'était bien? J'apprécie tes mots. Merci.
Bises
Oui , Londres c'était super .. un petit aperçu sur mon blog ... si tu veux en savoir plus !!
bonne journée à toi
bises
helena
Tu m'as cassé les jambes avec la chute.
Ah non! Ne me dis pas que tu vas finir ton odyssée en brancard. :D
Je suis plâtré.
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