C'est à peu près 120 piasses la tonne. Grosso modo c'est 80 si tu remplis ton pick-up. Ça, c'est pour la scrap scrap. Pour une scrap qui a de l'allure, c'est plus ou moins 4 piasses la livre. Cop, aluminium. Vous pouvez ben courir les poteaux. Moi, la scrap scrap, ça me plaît.

27.3.08

BLEU PÉTROLE


Comme un lego.

13.3.08

LÉO FERRÉ


Le chien

À mes oiseaux piaillant debout
Chinés sous les becs de la nuit
Avec leur crêpe de coutil
Et leur fourreau fleuri de trous
À mes compaings du pain rassis
À mes frangins de l'entre bise
À ceux qui gerçaient leur chemise
Au givre des pernods-minuit
À l'Araignée la toile au vent
À Biftec baron du homard
Et sa technique du caviar
Qui ressemblait à du hareng
À Bec d'Azur du pif comptant
Qui créchait côté de Sancerre
Sur les MIDNIGHT à moitié verre
Chez un bistre de ses clients
Aux spécialistes d'la scoumoune
Qui se sapaient de courants d'air
Et qui prenaient pour un steamer
La compagnie Blondit and Clowns
Aux pannes qui la langue au pas
En plein hiver mangeaient des nèfles
À ceux pour qui deux sous de trèfle
Ça valait une Craven A
À ceux-là je laisse la fleur
De mon désespoir en allé
Maintenant que je suis paré
Et que je vais chez le coiffeur
Pauvre mec mon pauvre Pierrot
Vois la lune qui te cafarde
Cette Américaine moucharde
Qu'ils ont vidée de ton pipeau
Ils t'ont pelé comme un mouton
Avec un ciseau à surtaxe
Progressivement contumax
Tu bêles à tout va la chanson
Et tu n'achètes plus que du vent
Encore que la nuit venue
Y a ta cavale dans la rue
Qui hennnit en te klaxonnant
Le Droit la Loi la Foi et Toi
Et une éponge de vin sur
Ton Beaujolais qui fait le mur
Et ta Pépée qui fait le toit
Et si vraiment Dieu existait
Comme le disait Bakounine
Ce Camarade Vitamine
Il faudrait s'en débarrasser
Tu traînes ton croco ridé
Cinquante berges dans les flancs
Et tes chiens qui mordent dedans
Le pot-au-rif de l'amitié
Un poète ça sent des pieds
On lave pas la poésie
Ça se défenestre et ça crie
Aux gens perdus des mots FÉRIÉS
Des mots oui des mots comme le Nouveau Monde
Des mots venus de l'autre côté clé la rive
Des mots tranquilles comme mon chien qui dort
Des mots chargés des lèvres constellées dans le dictionnaire desconstellations de mots
Et c'est le Bonnet Noir que nous mettrons sur le vocabulaire
Nous ferons un séminaire, particulier avec des grammairiens particuliers aussi
Et chargés de mettre des perruques aux vieilles pouffiasses Littéromanes
IL IMPORTE QUE LE MOT AMOUR
soit rempli de mystère et non de tabou, de péché, de vertu, de carnaval romain des draps cousus dans le salace
Et dans l'objet de la policière voyance ou voyeurie
Nous mettrons de longs cheveux aux prêtres de la rue pour leur apprendre à s'appeler dès lors monsieur l'abbé Rita Hayworth monsieur l'abbé BB fricoti fricota et nous ferons des prières inversées
Et nous lancerons à la tête des gens des mots SANS CULOTTE SANS BANDE À CUL
Sans rien qui puisse jamais remettre en question
La vieille la très vieille et très ancienne et démodée querelle du qu'en diront-ils
Et du je fais quand même mes cochoncetés en toute quiétude sousprétexte qu'on m'a béni
Que j'ai signé chez monsieur le maire de mes deux mairies
ALORS QUE CES ENFANTS SONT TOUT SEULS DANS LES RUES ET S'INVENTENT LA VRAIE GALAXIE DE L'AMOUR INSTANTANÉ
Alors que ces enfants dans la rue s'aiment et s'aimeront
Alors que cela est indéniable
Alors que cela est de toute évidence et de toute éternité
JE PARLE POUR DANS DIX SIÈCLES et je prends date
On peut me mettre en cabane
On peut me rire au nez ça dépend de quel rire
JE PROVOQUE À L'AMOUR ET À L'INSURRECTION
YES! I AM UN IMMENSE PROVOCATEUR
Je vous l'ai dit
Des armes et des mots c'est pareil
Ça tue pareil
II faut tuer l'intelligence des mots anciens
Avec des mots tout relatifs, courbes, comme tu voudras
IL FAUT METTRE EUCLIDE DANS UNE POUBELLE
Mettez-vous le bien dans la courbure
C'est râpé vos trucs et manigances
Vos démocraties où il n'est pas question de monter à l'hôtel avecune fille
Si elle ne vous est pas collée par la jurisprudence
C'est râpé Messieurs de la Romance
Nous, nous sommes pour un langage auquel vous n'entravez que couic
NOUS SOMMES DES CHIENS
et les chiens, quand ils sentent la compagnie,
Ils se dérangent et on leur fout la paix
Nous voulons la Paix des Chiens
Nous sommes des chiens de " bonne volonté "
Et nous ne sommes pas contre le fait qu'on laisse venir à nous certaines chiennes
Puisqu'elles sont faites pour ça et pour nous
Nous aboyons avec des armes dans la gueule
Des armes blanches et noires comme des mots noirs et blancs
NOIRS COMME LA TERREUR QUE VOUS ASSUMEREZ
BLANCS COMME LA VIRGINITÉ QUE NOUS ASSUMONS
NOUS SOMMES DES CHIENS
et les chiens, quand ils sentent lacompagnie,
II se dérangent, ils se décolliérisent
Et posent leur os comme on pose sa cigarette quand on a quelque chose d'urgent à faire
Même et de préférence si l'urgence contient l'idée de vous foutre sur la margoulette
Je n'écris pas comme de Gaulle ou comme Perse
JE CAUSE et je GUEULE comme un chien

JE SUIS UN CHIEN

LETTRE À UN ÉCRIVAIN VIVANT : LOUIS HAMELIN


Missive adressée à Louis Hamelin
pour la rubrique « Lettre à un écrivain vivant »
d'une certaine revue

Masculin singulier

J’aurais pu faire le pied de grue pour obtenir un autographe de la célèbre Dominique Michel, mais je n’avais pas les moyens de m’offrir son autobiographie. Il faisait horriblement chaud, je n’avais pas voulu laisser mon manteau au vestiaire parce que je n’avais qu’une idée en tête : entrer et sortir. J’avais mon exemplaire de Sauvages sous la main et je me suis dirigée vers les kiosques de Boréal.

Derrière la petite table transformée en présentoir[1], Louis Hamelin m’attendait. Attendait quelqu’un, n’importe qui. Dans cette atmosphère de grand centre commercial, au Salon du livre de Montréal, en 2006. J’avais tout lu de lui. Je n’avais absolument rien à dire sur la littérature. Je voulais parler à un écrivain. Pas n’importe lequel.

Pourriez-vous signer à cet endroit, s’il vous plaît ?

Bien sûr, avant de faire ça, je lui ai dit bonjour, ça me fait plaisir de vous rencontrer, je lui ai serré la pince, etc. Les règles de la bienséance.

Pourquoi ?

Parce que c’est la nouvelle que je préfère.

Pour faire du genre je-suis-originale-et-je-ne-fais-pas-comme-les-autres, je lui ai demandé de poser sa griffe non pas sur une des pages liminaires, mais à la page 41 très exactement. En guise de signet, j’avais l’index planté dans le bouquin depuis une bonne demi-heure. J’étais toute prête, comme quand on prépare sa carte de guichet avant de passer à la caisse.

Ah oui ? L’indien ? Pour quelles raisons ?

Parce qu’il est attachant et… (moment d’hésitation) qu’on aurait le goût d’aller boire un verre et de jaser avec lui.

Est-ce que j’avais vraiment dit ça ? Il me regardait, attendant la suite. Décidément, je ne l’avais pas convaincu. Les gens qui parlent très peu ont souvent beaucoup de choses à dire. Et quand ça sort, watch out. Soit que ça sort comme un barrage qui cède, soit que ça sort tout croche. J’aurais voulu dire quelque chose d’intelligent, mais je venais de manquer ma chance. Si ma mémoire est bonne, j’ai répondu que l’indien avait un côté sauvage (imaginez) ou je ne sais pas quoi. Pour tout dire, c’est vague. Il s’est penché et s’est mis à remplir l’espace entourant le titre de la nouvelle. Wabush allait avoir de la compagnie.

Ça m’a pris du courage pour venir ici. Je n’aime pas trop les foules.

Sa calligraphie syncopée ne me permettait pas de lire à l’envers, mais j’ai su qu’il achevait sa missive quand il a signé son nom dans le coin inférieur droit. Si Louis Hamelin avait utilisé une plume à la hauteur de son talent, on aurait pu imaginer que ce fut une Meisterstuck Solitaire de Montblanc ou un Graf von Faber-Castell fait de bois rarissime. Il avait un simple et modeste Bic dans la main - le stylo-bille à corps transparent sur lequel on peut voir le niveau de l’encre - un stylo légendaire qui, mine de rien, semble dire : je ne suis pas tuable. Et je n’ai pas besoin de faire de fla-flas pour être singulier. Ne me demandez pas pourquoi, mais je n’étais pas étonnée.


Je l’écoutais sans l’entendre, trop occupé à penser : il te parle. Je n’étais rien à ses yeux, peut-être moins que rien en fait : une acheteuse potentielle ? Non. Je possédais déjà un exemplaire de son bouquin. Je l’avais acheté le jour même de sa sortie.

Avant de le lire, j’avais enlevé la jaquette et je l’avais rangé dans un tiroir par peur de l’abîmer. Et puis ça me tombe sur les nerfs, lire un bouquin coiffé de sa jaquette. Ça gêne la manipulation. Un livre, c’est fait pour être ouvert, plié, tordu par les muscles pronateurs quand il est lu d’une seule main. Un livre, c’est fait pour être charroyé dans un sac ou dans la poche d’un manteau. Un livre, dis-je, c’est fait pour s’attendrir dans les mains d’un lecteur. Il doit s’attendre à perdre son allure flambant neuf de jeune puceau fraîchement débarqué de la presse. Je ne parle pas de surligner des passages en jaune fluorescent ou de barbouiller des commentaires dans les marges, je parle de l’exposer, ventre ouvert, à la lumière du grand jour.

Bref, mon exemplaire avait mûri. Et j’en étais fière. Il faisait tache parmi ceux qui attendaient, à la queue leuleu, le Bic de l’écrivain. Dépouillé de sa jaquette, la couverture frisée et d’une blancheur douteuse, mon livre, ce jour-là, a serré la pince de son créateur.

Après l’avoir remercié, je suis repartie, gardant cette image d’un Louis Hamelin assis au milieu du centre commercial des livres de la Place Bonaventure, tenant boutique pour le premier venu, en 2006. Une image sauve, valant bien ses milles mots.





Sandra Gordon
[1] Inspiré d’un texte de Louis Hamelin « Les mots de la fin », Le Devoir, Livres, samedi le 23 février 2008, p.f-4.