Arcade Fire - Sprawl II (Mountains Beyond Mountains) - Coachella 2011
C'est vrai que c'est la chanson parfaite pour clore un show.
de sandra gordon
Arcade Fire - Sprawl II (Mountains Beyond Mountains) - Coachella 2011
C'est vrai que c'est la chanson parfaite pour clore un show.
J'ai un mal de crâne terrible. Ça fait des heures, des jours, que je me suis engouffrée dans le vortex de Vacuum II Scrapbook. À défiler les billets, relire les commentaires, et cliquer sur « messages plus anciens » en bas de la page. Remonter les années. Remonter à la surface. Reprendre mon souffle. Et replonger. Le temps s'est arrêté. Christian Mistral n'est plus. Mes sincères condoléances à sa garde rapprochée, à sa famille, et à ses ami(e)s.
PHOTO : BORÉAL |
Ce que je retiens de Christian Mistral : sa prose raffinée, fluide, riche. Sa plume acérée, vivante. Incandescente. La fluidité de son verbe. Sa rigueur. Oh que oui, sa rigueur. Ses œuvres, son blog littéraire. Son indéfectible amitié pour ses abonné(e)s aka Tribaux dont il serrait les ouïes de temps en temps, soucieux d'en extraire le meilleur. Ses ami(e)s, sa Tribu.
Il ne supportait pas le manque de rigueur - je ne me répète pas, je réitère! Il avait en horreur les références mal citées, bâclées. Les expressions convenues, mollassonnes, pas de colonnes. J'ai le souvenir d'avoir utilisé un « on s'entend que... » et de m'être fait rembarré illico. Non seulement la formule est fautive, mais elle sous-tend qu'il est possible de penser à la place de quelqu'un. Et non, personne ne pensait à la place de Christian Mistral.
C'était épuisant, de jouer par écrit avec Mistral. Épuisant mais ô combien grisant. Une surenchère virtuelle d'envolées lyriques, de commentaires délirants et fantaisistes. Il nous faisait niveler par le haut, juché en altitude dans son bunker sur Rachel. Je me souviens des innombrables improvisations mixtes dont celle ayant pour titre « La valise de char ». Un running gag parmi tant d'autres qui est resté longtemps, remember? LYES
Je me souviendrai de Christian, l'être et l'ami. Un homme entier, authentique, et loyal comme il ne s'en fait plus. Il était exigeant, oui, coriace aussi, mais d'une tendresse exceptionnelle. Détenteur d'une répartie de course. Radar à bullshiteux. Vif d'esprit. Amoureux des mots, il maîtrisait la langue d'une façon magistrale. Galvauder les mots, lui? Nan, jamais. Il trouvait toujours les mots justes, précis. D'une intelligence peu commune. Un écorché passionné au verbe tout-puissant. Christian était aussi doté d'une bienveillance enveloppante, pédagogue sans verser dans la Ti-Jos-connaissance, et drôle - mais drôle! Je déteste les diminutifs, mais c'était le seul qui pouvait m'appeler Sandy. Christian avait le cœur gros de même, et une loyauté plus grande encore. Un tyran affectif. Un homme d'honneur et de valeurs. Et pour vrai, il faisait les meilleures bines et les meilleures betteraves marinées que j'ai jamais mangées. J'entends encore son grand rire franc et fort. Distinctif et sonore, comme l'a été celui de Miron. Mais celui de Mistral.
Il m'exhortait à retravailler mon verbe. Encore et encore. Plusieurs fois je me suis sentie vivante au contact de Mistral. Je me relisais mille fois avant d'envoyer un commentaire dans son Vacuum, j'avais la hantise de faire des fautes et d'avoir l'air épaisse. Quand j'étais gueurlot, je me relisais mille fois de plus. Il fallait que mon message soit le plus possible succinct, précis, imagé. Rentre-dedans. Original, j'osais espérer. J'ai souvent gardé une certaine pudeur derrière des phrases que je voulais alambiquées - mais qui étaient au final hermétiques.
C'est là que tout a commencé. Damn que j'étais contente! Mistral venait d'apprendre mon humble existence. J'ai relu ce billet je ne sais pas combien de fois. Je me souviens avoir voulu le commenter, mais ne pas avoir su quoi dire. Dans le doute, je me suis abstenue et j'ai bu mon bonheur. Et permettez-moi vous raconter la première fois que j'ai rencontré Christian Mistral - en vrai je veux dire. C'était lors d'une soirée de lancement de la revue Moebius. La porte d'entrée était ouverte, il faisait chaud ce soir-là. Je suis entrée discrètement, me faufilant parmi les nombreux invités. Quelqu'un avait pris la parole, les gens l'écoutaient. J'ai balayé lentement la salle du regard. J'ai croisé les yeux de Christian qui m'a aperçue et qui a deviné qui j'étais. Puis il s'est levé d'un bond, grand colosse imposant qu'il était, et il a traversé l'auditoire silencieux en s'écriant : « Sandyyyy! » devant tout le fu-ckin' mon-de. Les paluches en l'air, il venait de couper le discours de l'orateur, et suspendait net le déroulement de la soirée. Christian m'a pris dans ses bras comme un père bienveillant, une joie sincère et juvénile brillaient dans ses yeux. Je voulais me liquéfier sur place, tant j'étais assommée par ce cocktail explosif de ravissement, de gêne et d'ivresse. C'est ainsi que j'ai eu mon baptême. Au courant de la soirée, je me souviens qu'il m'ait encouragé à lire ma nouvelle à voix haute, chose que j'hayis faire. « Valvoline » qu'elle s'intitulait, ma nouvelle. J'étais rouge comme une tomate. Je l'ai lue en un temps record. Un moment marquant de ma vie. Et il y en a eu tant d'autres, avec lui.
Et le thème mensuel de la revue, c'était « Filiation & transmission ». Eh non. Ça ne s'invente pas...
PHOTO : LES HERBES ROUGES |
1964-2020
Je lui dois beaucoup, je lui ai déjà dit, et ici devant vous je l'en remercie.
Merci, Christian. Salut Mistral.
J'aurais pu peaufiner mon hommage encore longtemps, mais on s'entend que rien ne pourra être à la hauteur de ce que tu as représenté pour moi.
* * *
Toi, lecteur avisé, quidam errant, ou Tribal par alliance, merci sincèrement d'être passé. Ferme la porte en sortant, je ne chauffe pas dehors.
"Qu'est-ce que tu penses de la Lune?"
-Merde.
-Ouais, dit l'Indien, le mec qui est con sur la Terre il reste con sur la Lune. Pas de raison que ça change.
BUKOWSKI, Charles. Contes de la folie ordinaire.