C'est à peu près 120 piasses la tonne. Grosso modo c'est 80 si tu remplis ton pick-up. Ça, c'est pour la scrap scrap. Pour une scrap qui a de l'allure, c'est plus ou moins 4 piasses la livre. Cop, aluminium. Vous pouvez ben courir les poteaux. Moi, la scrap scrap, ça me plaît.

26.11.20

Salut Mistral. Merci Christian.

J'ai un mal de crâne terrible.  Ça fait des heures, des jours, que je me suis engouffrée dans le vortex de Vacuum II Scrapbook.  À défiler les billets, relire les commentaires, et cliquer sur « messages plus anciens » en bas de la page.  Remonter les années. Remonter à la surface.  Reprendre mon souffle.  Et replonger.  Le temps s'est arrêté.  Christian Mistral n'est plus.  Mes sincères condoléances à sa garde rapprochée, à sa famille, et à ses ami(e)s.

PHOTO : BORÉAL


Ce que je retiens de Christian Mistral : sa prose raffinée, fluide, riche.  Sa plume acérée, vivante.  Incandescente.  La fluidité de son verbe.  Sa rigueur.  Oh que oui, sa rigueur.  Ses œuvres, son blog littéraire.  Son indéfectible amitié pour ses abonné(e)s aka Tribaux dont il serrait les ouïes de temps en temps, soucieux d'en extraire le meilleur.  Ses ami(e)s, sa Tribu.

On entre, sans l'avoir demandé, on n'en sort plus jamais, même pas mort, en ce sens la Mafia est plus souple.

Il ne supportait pas le manque de rigueur - je ne me répète pas, je réitère!  Il avait en horreur les références mal citées, bâclées.  Les expressions convenues, mollassonnes, pas de colonnes.  J'ai le souvenir d'avoir utilisé un « on s'entend que... » et de m'être fait rembarré illico.  Non seulement la formule est fautive, mais elle sous-tend qu'il est possible de penser à la place de quelqu'un.  Et non, personne ne pensait à la place de Christian Mistral. 

C'était épuisant, de jouer par écrit avec Mistral.  Épuisant mais ô combien grisant.  Une surenchère virtuelle d'envolées lyriques, de commentaires délirants et fantaisistes. Il nous faisait niveler par le haut, juché en altitude dans son bunker sur Rachel.  Je me souviens des innombrables improvisations mixtes dont celle ayant pour titre « La valise de char ».  Un running gag parmi tant d'autres qui est resté longtemps, remember?  LYES

Je me souviendrai de Christian, l'être et l'ami.  Un homme entier, authentique, et loyal comme il ne s'en fait plus.  Il était exigeant, oui, coriace aussi, mais d'une tendresse exceptionnelle.  Détenteur d'une répartie de course.  Radar à bullshiteux.  Vif d'esprit.  Amoureux des mots, il maîtrisait la langue d'une façon magistrale.  Galvauder les mots, lui?  Nan, jamais.  Il trouvait toujours les mots justes, précis.   D'une intelligence peu commune.  Un écorché passionné au verbe tout-puissant.  Christian était aussi doté d'une bienveillance enveloppante, pédagogue sans verser dans la Ti-Jos-connaissance, et drôle - mais drôle!  Je déteste les diminutifs, mais c'était le seul qui pouvait m'appeler Sandy.  Christian avait le cœur gros de même, et une loyauté plus grande encore.  Un tyran affectif.   Un homme d'honneur et de valeurs.  Et pour vrai, il faisait les meilleures bines et les meilleures betteraves marinées que j'ai jamais mangées.  J'entends encore son grand rire franc et fort.  Distinctif et sonore, comme l'a été celui de Miron.  Mais celui de Mistral.  

Il m'exhortait à retravailler mon verbe.  Encore et encore.  Plusieurs fois je me suis sentie vivante au contact de Mistral.  Je me relisais mille fois avant d'envoyer un commentaire dans son Vacuum, j'avais la hantise de faire des fautes et d'avoir l'air épaisse.  Quand j'étais gueurlot, je me relisais mille fois de plus.  Il fallait que mon message soit le plus possible succinct, précis, imagé.  Rentre-dedans.  Original, j'osais espérer.  J'ai souvent gardé une certaine pudeur derrière des phrases que je voulais alambiquées - mais qui étaient au final hermétiques.  

C'est là que tout a commencéDamn que j'étais contente!  Mistral venait d'apprendre mon humble existence.  J'ai relu ce billet je ne sais pas combien de fois.  Je me souviens avoir voulu le commenter, mais ne pas avoir su quoi dire.  Dans le doute, je me suis abstenue et j'ai bu mon bonheur.  Et permettez-moi vous raconter la première fois que j'ai rencontré Christian Mistral - en vrai je veux dire.  C'était lors d'une soirée de lancement de la revue Moebius.  La porte d'entrée était ouverte, il faisait chaud ce soir-là.  Je suis entrée discrètement, me faufilant parmi les nombreux invités.  Quelqu'un avait pris la parole, les gens l'écoutaient.  J'ai balayé lentement la salle du regard.  J'ai croisé les yeux de Christian qui m'a aperçue et qui a deviné qui j'étais.  Puis il s'est levé d'un bond, grand colosse imposant qu'il était, et il a traversé l'auditoire silencieux en s'écriant : « Sandyyyy! » devant tout le fu-ckin' mon-de.  Les paluches en l'air, il venait de couper le discours de l'orateur, et suspendait net le déroulement de la soirée.  Christian m'a pris dans ses bras comme un père bienveillant, une joie sincère et juvénile brillaient dans ses yeux.  Je voulais me liquéfier sur place, tant j'étais assommée par ce cocktail explosif de ravissement, de gêne et d'ivresse.  C'est ainsi que j'ai eu mon baptême.  Au courant de la soirée, je me souviens qu'il m'ait encouragé à lire ma nouvelle à voix haute, chose que j'hayis faire. « Valvoline » qu'elle s'intitulait, ma nouvelle.  J'étais rouge comme une tomate.  Je l'ai lue en un temps record.  Un moment marquant de ma vie.  Et il y en a eu tant d'autres, avec lui.

 Et le thème mensuel de la revue, c'était « Filiation & transmission ».  Eh non.  Ça ne s'invente pas...


PHOTO : LES HERBES ROUGES

1964-2020


Je lui dois beaucoup, je lui ai déjà dit, et ici devant vous je l'en remercie.  

Merci, Christian.  Salut Mistral.  

J'aurais pu peaufiner mon hommage encore longtemps, mais on s'entend que rien ne pourra être à la hauteur de ce que tu as représenté pour moi. 

* * * 

Toi, lecteur avisé, quidam errant, ou Tribal par alliance, merci sincèrement d'être passé.  Ferme la porte en sortant, je ne chauffe pas dehors.



12 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est exactement ça. Une description fidèle de ce qu'il était. Et des sentiments de terreur et de fierté qu'il suscitait chez quiconque flirtait avec la plume. Je l'ai connu longtemps avant le blog. Ensuite, j'ai fréquenté Vacuum assidûment, pour retrouver mon vieil ami, sa verve, ses mots vifs, acérés, drôles aussi, la tendresse qu'il ne parvenait jamais tout à fait à cacher. Moi aussi, j'ai relu tout le blog depuis que j'ai appris sa disparition. Je cherche des mots, des témoignages pour me dire qu'il est encore là malgré tout.Merci pour cet hommage. Soft

Danger Ranger a dit…

Salut Sandra. Bel hommage. Te lire me rappelle un certain bon vieux temps. Je me rappelle aussi la soirée de ton lancement il y a dix ans, et la photo que Christian avait demandé qu'on fasse tous ensemble. Mes sympathies.

& a dit…

Qu'il repose en paix. C'est dur de ne pas lui en vouloir d'avoir encore fois franchi le fil avant les autres, mais on s'entend que c'est ça qui est ça.

s.gordon a dit…

Aw. Ça fait chaud au cœur de sentir votre présence, votre passage. Mes condoléances à vous tous et toutes. Merci pour vos messages.

Tu es moins "anonyme" que ton entête laisse présager, Soft. A fallu que je remonte les archives du Vacuum pour comprendre que tu étais à l'origine, entre autres choses j'imagine, du feutre magnifique. Merci d'avoir pris le temps d'écrire ces mots.

Stéphane : Ça fait longtemps, oui c'est vrai, et c'était comme si c'était hier. Cette soirée dont tu fais référence restera gravée à tout jamais dans ma tête. Sinon, eh bien il demeure le montage de Christian sur Youtube - réalisé avec un truckload de tendresse tribale. Prends soin de toi, okay.

Éric, ça fait un bail. Ça me touche beaucoup que tu aies pris le temps de laisser un message dans ma cour. C'est ça qui est ça, c'est certain. Prends soin de toi, où que tu sois.

Guillaume C. Lajeunesse🍀 a dit…

C'est vraiment un bel hommage! Il y a beaucoup de beauté dans ton texte. Il a dû sourire là-haut en le lisant. Christian était un grand homme de lettres, colossal même. L'un des plus grands de tous les temps, toutes cultures confondues, à mon avis. C'était par ailleurs un chic garçon, à la sensibilité certes exacerbée, qui a souffert et fait souffrir. Quelque chose d'immense et plus grand que lui semblait l'habiter... il ne semblait pas toujours savoir quoi en faire. L'annonce de sa mort m'a bouleversé. Je n'y ai pas cru. Le temps que je finisse par y croire, je m'étais convaincu que comme tous les véritables écrivains, il n'est pas vraiment mort. J'ai hâte de le relire d'un œil nouveau, même si je ressentirai un vide. Je t'offre ma plus vive sympathie.

s.gordon a dit…

Tu as raison, ses titres vont lui survivre. Et la personne survivra dans nos cœurs. Merci, Vieux G. Et merci de me dire qu'il a dû sourire, là-haut en me lisant. Mes condoléances à toi aussi.

Gomeux a dit…

J'ai pensé un bon moment écrire quelques lignes sur Mist, mais je me suis retenu, par pudeur, mais surtout parce que je me disais que tu le ferais, et que ce serait parfait.
Comme toi, j'ai lu et relu son blogue, le mien, le tien, les autres, nos échanges courriels, doutant que ce soit arrivé vraiment tellement ça me semble loin. Et pourtant.
Tout est là, encore.
Les écrits restent.

Merci pour cet hommage.
Je laisserai ici ce message qu'il m'avait écrit au lendemain de ton lancement:
«C'est un honneur d'être ton doorman, buddy.»
Souhaitons que où qu'il soit, il nous accueille comme il m'avait accueilli ce soir là (scuse la plogue, mais c'est comme ça que je veux me souvenir de lui): http://guillaumepaquet.blogspot.com/2010/10/soiree.html

À bientôt

s.gordon a dit…

Ah Guillaume, j'attendais que tu viennes faire ton tour. Il y a bien des affaires qui sont devenues de vagues souvenirs avec le temps, et c'est okay. Mais il y en a d'autres, de souvenirs, qui demeurent intacts et vifs et ça fait du bien de pouvoir les partager avec ceux qui se souviennent aussi.

Merci pour le lien, merci d'être passé et merci d'avoir laissé ces mots précieux. Prends soin des tiens, de toi.

MakesmewonderHum! a dit…

Il arrive parfois que le Soleil se rebelle et délègue parmi nous des êtres incandescents. Question que sa chaleur baume apaise, à travers eux, nos froides difficultés et solitudes ancrées dans l'hiver noir.
On a tous eu cette magnifique chance, que ce plasma fait homme souffle sur nous, parfois cette brise à très haut degré d'intelligence et sensibilité.Qu'à d'autres moments, qu'il nous engouffre subtilement dans ses malins cratères, question que notre réflexion cuise un peu plus longtemps. Lui seul savait que pour affronter une cervelle de Jell'O, saveur crème solaire, rien de plus aisé que lui balancer le répertoire à sublimes répliques , orgue grand jeu sur pyro-technicolor et flûtes en mode ruisseau poivre de cayenne.
Même la nuit, jamais de face cachée avec lui, que la braise qui couve à visage découvert.

Christian, si le forfait éternité passe par l'enfer, brûle nous ça bin "clean", plante deux ou trois rangs d'oiseaux du paradis. On va être plusieurs!

s.gordon a dit…

Aw. C'est beau ça. Vraiment. Merci de ton passage MakesmewonderHum!. Ici, et dans mes souvenirs aussi.

Le plumitif a dit…

Fidèle à mon calendrier d’incurable retardé, je me décide enfin à laisser quelques mots.
J’ai peut-être manqué kekchose, mais le milieu littéraire me semble outrageusement silencieux sur la disparition d’un de ses représentants les plus marquants.
Je sais pas, un simple salut, juste souligner le bonheur d’avoir un tant soit peu percuté cette sensibilité explosive, cette pensée diamantine au verbe dense et limpide, à la parole touffue et cinglante, s’autoriser à dire wow! merci Mistral d’avoir été là, de nous avoir fait grimper quelques marches, même de force, reconnaître ce qui est, sans ignorer que ce n’est pas tout… est-ce donc devenu si compromettant de relever des qualités indéniables?
Bref, merci à toi Sandra de rappeler si bellement les bonheurs que l’on doit à ce grand disparu qui laissera assurément des traces plus durables que les listes "officielles" où il apparaîtra, ou pas!

s.gordon a dit…

Eh bien nous l'avons fait ici, Plumitif. Sans ambages mais sans flatterie, saluer notre grand disparu. Merci de t'être décidé à laisser quelques mots, ils sont précieux et touchants de vérité. Salut à toi.

La vie est belle pareil. Et c'est beau de vous lire.